Un monument s’est affaissé ! Un tribun s’est tu!
A l’aurore des vanités, le crépuscule des grands hommes ne peut surprendre que ceux qui voient les évènements à travers un miroir déformant. Sans crier gare, Alioune Badara Cissé( ABC) s’en est allé, rejoignant dans le royaume de la vérité ceux que cette existence démentielle ne pouvait pas mériter trop longtemps. Comme bon nombre de Sénégalais, je l’ai connu à travers les médias. Mais la contemplation de cette étoile protubérante dans une galaxie aux couleurs circonstancielles n’exigeait pas l’usage d’un télescope. Tant par sa prestance que par son élégance comportementale et intellectuelle, l’homme inspirait la déférence dans toute sa splendeur. J’avoue être l’un de ses admirateurs les plus patentés . J’avoue l’avoir admiré d’une admiration qui me faisait frémir tant et si bien qu’un discours d’ABC était pour moi un régal que je prenais sans satiété. D’une éloquence qui chatouillait, abhorrant la langue de bois, d’une sagesse qui scintillait de mille feux et d’un courage inégalable, l’homme ne pouvait pas durer dans cette vallée d’hypocrisie dont le pouvoir d’aliènation et d’ apprivoisement est insoupçonné. Il ne serait pas outrancier de faire de lui un cas d’école tellement le legs qu’il a laissé est le remède miracle à une société dont la légitimité référentielle est devenue chancelante. Une prébende ne l’avait jamais muselé quand était venu le moment d’agir. Haut- parleur, il s’est toujours privé d’une telle attitude. Mais le franc- parler, il l’incarnait sans réserve. Solidarité gouvernementale ou de parti( même parfois dans l’injustice), loyauté ( même dans le mensonge) , ABC ne s’est jamais laissé embobiné par ce lexique manipulateur entre les mains de ceux qui veulent perpétuer la logique de la vassalisation. Cette option se justifiait par le fait qu’il semblait faire sien ce constat d’Etienne de La Boétie (Discours de la servitude volontaire):” Il ne peut y avoir d’amitié là où se trouve la cruauté (…), l’injustice. Entre méchants, lorsqu’ils s’assemblent (…), ils ne s’aiment pas, mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices”. Si seulement la tradition recommandait de baptiser une personne à la fin de sa vie, ABC porterait fièrement et dans toute la profondeur du terme le nom PATRIOTE car un patriote accompli il était, sans être chauvin. Il s’est fait une richesse sur terre, une vraie même. C’est celle d’avoir une place dans l’histoire de son peuple et d’être sûr qu’il n’en sera pas exclu. Incontestablement, ses actes et ses positions résisteront à l’usure du temps et à la perversité de l’histoire. Que sa vision de la politique inspire autant qu’il a inspiré le respect. Qu’Allah dans sa grâce infinie lui fasse miséricorde.